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La désincarnation masculiniste de la femme.

Phénoménologie menstruelle.


 

C'est en consultant un article concernant le « congé menstruel » qu’il m'est venu à penser la désincarnation masculiniste[1] de la femme.


Pour développer ma pensée, passons d'abord en revue, la définition de l'incarnation. Qu'est-ce que signifie incarner ? Selon le centre national de ressources textuelles et lexicales, si on parle d'un ongle, se serait "s'enfoncer dans la chair" et si nous évoquons ses multiples significations, nous pouvons lire "la représentation d'une notion abstraite sous une forme matérielle et visible", "prendre l'apparence de", ou encore "interpréter un personnage au point de s'identifier à lui". Serait-ce une comédie d'incarner un masculinisme quand on est une femme ? Quand on sait que les comédiens de l'antiquité n'étaient que des hommes. En tout cas, si comédie elle est, elle serait à visée didactique !


Le masculinisme défend la position dominante des hommes dans la société, notamment en invoquant des arguments biologiques.


Voilà où réside ma pensée. Dans le corps. Un masculinisme qui s’enfonce dans la chair de la femme, une notion abstraite qui prend forme dans une corporéité féminine. Corps objectivé du monde patriarcal, tantôt sexualisé, tantôt maternalisé, en tout point, subordonné.

Le masculinisme c’est aussi la crainte d'une discrimination que subiraient les hommes en raison de nouveaux droits accordés aux femmes. Et si un de ces nouveaux droits était « le congé menstruel » ? Fait biologique du corps de la femme, les menstruations peuvent engendrer fatigue et douleurs pendant plusieurs jours.


Force est de constater que le monde professionnel a toujours été androcentré : pensé par les hommes et pour les hommes. Quelle entreprise permet à la femme de faire face à ses douleurs durant ses règles, en poste ? Quelle entreprise propose systématiquement des serviettes périodiques dans ses toilettes ? Quels aménagements sont pensés pour la femme durant cette période ?


Et si le congé menstruel était plus que quelques jours de repos ? Et si c’était la réappropriation de notre corps, d’un féminisme incarné, pensé de façon holiste ? Ce « congé menstruel » pourrait incarner le féminisme dans la mesure où le monde du travail serait adapté à la corporéité, spécifique, de la femme au même titre que le travail a pu être adapté à l’homme.


Le féminisme incarné serait faire de l’expérience vécue corporellement en tant que femme, une référence du combat féministe, au même titre que les autres combats féministes.


Pourquoi alors je parle de désincarnation masculiniste de la femme ?


En lisant certains commentaires liés à la parution d’un article sur le sujet, quelques femmes refusaient l’idée de ce « congé menstruel », arborant comme argument que « c’est un faux problème », cachant le vrai combat, c’est-à-dire l’égalité salariale.


C’est là où je veux en venir sur ce masculinisme de la femme. C’est l’incarner en refusant, voire en niant les spécificités du corps féminin, sans cesse objectivé. C’est, selon moi, délétère pour la cause féminine dans sa globalité. Je vois dans ce « congé menstruel », le corps de la femme subjectivé, en tant que réalité féminine, expérimenté dans sa chair.


Toutefois, les associations féministes craignent que sa généralisation entraîne des discriminations : « on part du principe que tout ce qui vise à renvoyer les femmes chez elles, à les enfermer à l’intérieur, est une mauvaise mesure »[2]. Ce sont des arguments que je comprends et il serait intéressant de se pencher réellement sur le sujet. Doit-on faire passer une loi obligeant les entreprises à accorder ce congé ? Doit-on laisser le choix aux entreprises et communiquer autour de leur projet « female-friendly » ? Et si la solution n’était pas un « congé menstruel » mais quelques jours pour tous afin de prendre en considération des moments de fatigue, de douleurs physique ou morale, indépendamment du sexe, du genre, sans nécessairement devoir justifier d’une absence maladie ? Dénouement heureux que d’avoir quelques jours pour tous, permettant d’être à l’écoute de soi, d'évaluer nos besoins physiques, psychiques et physiologiques sans devoir à se justifier ? Être autonome et responsable.


Après tout, mon corps, mon choix.

[1] Le terme masculiniste est ici, employé sous sa forme antiféministe, d’une revendication néo-conservatrice, patriarcale et réactionnaire, non comme un mouvement pour la lutte des égalités entre les femmes et les hommes. [2] Propos d’Ophélie Latil, fondatrice du collectif féministe Georgette Sand.

 

Photo libre de droits, Pixabay, Martina Bulkova.


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